Qu’est-ce qu’une coupe rase ?
Selon l’Inventaire Forestier National (IFN) la coupe rase « désigne en gestion forestière l’abattage de l’ensemble des arbres d’une parcelle ». Cette méthode radicale impacte fortement le paysage et met le sol à nu, contrairement à d’autres pratiques comme la sylviculture à couvert continu (coupes progressives espacées dans le temps)
Les coupes rases sont très mal encadrées par la loi, y compris dans les parcs naturels régionaux. Pour les forêts de plus de 25 hectares, le propriétaire doit réaliser un Plan Simple de Gestion et le faire valider par le Centre Régional de la Propriété Forestière. Ce plan doit être cohérent avec le Schéma Régional de la Gestion Sylvicole (SRGS). Pour les forêts de moins de 25 hectares, le propriétaire doit simplement s’engager à respecter un règlement type de gestion ou un code de bonne pratique sylvicole (CBPS). A défaut, et selon un seuil de surface défini dans chaque département, il peut également demander une autorisation de coupe.

Les Calots (Glux-en-Glenne . 58)
Une méthode destructrice
1. Pour les sols
L’impact négatif des coupes rases sur le sol est désormais démontré par deux études scientifiques récentes : un rapport du conseil scientifique du Parc Naturel Régional du Morvan (PNRM)(1) et une expertise menée par 70 scientifiques à la demande des ministères de l’agriculture et de la transition écologique(2).
Le tassement du sol est beaucoup plus important lors d’une coupe à blanc : jusqu’à 80 % du sol est ainsi dégradé par le passage des machines contre 15 à 25 % pour une coupe jardinée à couvert continu. Cette atteinte à l’intégrité physique des sols participe à l’échec de certaines plantations.
La coupe rase prive le sol d’éléments nutritifs comme la litière de feuillage.
Elle augmente le risque d’érosion des sols car il n’y a plus d’interception des pluies par la végétation et parce que le tassement des sols lié au passage des engins limite l’infiltration de l’eau. Il y a donc davantage de ruissellements, de transport de sédiments (jusqu’à + 700 %) . Ces modifications brutales entraînent une perte de fertilité du sol. C’est une des raisons pour lesquelles le Conseil Scientifique du PNRM recommande de proscrire la coupe rase dans les terrains pentus.
Par ailleurs, la mise à nu du terrain se traduit par une perte importante de carbone et une augmentation sensible de la température du sol, accentuée par le réchauffement climatique.

Anvers ( Gux-en-Glenne. 58 ) Photo Jean-Luc Luyssen
2. Pour l’eau
L’érosion des sols mis à nu peut impacter la qualité des eaux des ruisseaux. La coupe rase conduit généralement à une augmentation des concentrations d’ammonium et de nitrate dans les cours d’eau proches. Plusieurs études montrent également la présence importante d’aluminium à la suite de coupes rases sur des terrains acides. C’est la raison pour laquelle les scientifiques recommandent d’éviter les coupes rases lorsqu’un cours d’eau est proche de la parcelle concernée.
3. Pour la biodiversité
Si dans un premier temps, la coupe rase convient aux espèces de milieux ouverts, à moyen et à long terme, la biodiversité diminue fortement pour les espèces forestières spécialistes des forêts adultes comme les oiseaux associés aux gros bois qui perdent leurs habitats.
4. Pour le paysage
Une coupe rase constitue objectivement une balafre dans le paysage difficile à supporter pour les riverains et les touristes, une plaie qui met très longtemps à cicatriser. Cette pratique est incompatible avec la vocation touristique du Parc Régional du Morvan et du Grand site de France « Bibracte Morvan des sommets ».

Brion (71) Photo Jean-Luc Luyssen
Une pratique contestée
Ce mode d’exploitation est interdit dans plusieurs pays européens dont l’Italie, la Slovénie, la Suisse, la Bulgarie et la Slovaquie. Il est réglementé dans d’autres pays comme l’Allemagne et la Pologne.
Dans le Morvan, les associations observent que la pratique des coupes rases est très active, en particulier dans le Haut-Morvan. Aucun territoire n’est épargné. Des parcelles sont ainsi coupées à blanc dans le périmètre du Grand Site de France « Bibracte, Morvan des sommets » ou dans des zones classées Natura 2000. Pire encore, le site classé du Mont Préneley (Nièvre) a fait l’objet de plusieurs coupes rases, en opposition totale avec l’objectif de préservation de ce lieu unique en Bourgogne (3).
Des alternatives existent
Des organismes comme « Prosylva » (4) ou l’AFI (Association Futaie Irrégulière) qui regroupent plusieurs centaines de propriétaires forestiers en France proposent une gestion de la forêt qui concilie économie et écologie. Il s’agit de la sylviculture mélangée à couvert continu. Le principe est de réaliser des coupes de bois légères, réparties dans le temps, en maintenant le couvert forestier. Contrairement à la coupe rase, le sol n’est jamais mis à nu. En s’appuyant sur une bonne santé de l’écosystème forestier, cette méthode favorise la production de bois de qualité, le mélange d’essences et les structures naturelles de la forêt. La méthode « Prosylva » permet d’avoir une plus grande résilience de la forêt face au changement climatique.
Les groupements forestiers citoyens du Morvan, GFSFM et « Chat sauvage » pratiquent ainsi depuis des années sur plusieurs centaines d’hectares.

« Stop aux coupes rases » . Adret Morvan
(1) https://www.calameo.com/read/001010586a8c953909231?page=5
(2) http://www.gip-ecofor.org/crref-synthese-de-lexpertise/
Pour en savoir encore plus, ce document de l’association « Canopée forêts vivantes » :
https://www.canopee.ong/wp-content/uploads/2025/06/canopee-manuel-forets-juin25.pdf